1838 - "Histoire des Francs-Maçons" par J.P. Dubreuil



HISTOIRE DES FRANCS-MAÇONS

(Volume 1 - Extraits)

Par J. P. Dubreuil

1838



DE HIRAM ADONIRAM, ou ADORAM, ARCHITECTE DU TEMPLE DE SALOMON.

Pour comprendre le rapport qu'il y a entre cette histoire et la société des Francs-maçons, il faut savoir que leur loge représente le temple de Salomon, et qu'ils donnent le nom d'Hiram à l'architecte que ce prince choisit pour la construction de ce fameux édifice.

Quelques-uns prétendent que cet Hiram était roi de Tyr; et d'autres , que c'était un célèbre ouvrier en métaux, que Salomon avait fait venir des pays étrangers , et qui fit les deux colonnes d'airain qu'on voyait à la porte du temple , l'une appelée Jakin, et l'autre Boaz.

L'auteur du « Secret des Francs-maçons » a raison de dire qu'il ne s'agit point d'Hiram, roi de Tyr, chez les Francs-maçons. Mais il ne s'agit point non plus, comme il le prétend, de cet Hiram, admirable ouvrier en métaux, que Salomon avait fait venir de Tyr, et qui fit les deux colonnes de bronze. Quel rapport pourrait avoir un ouvrier en métaux, avec la confrérie des Francs-maçons? Il me semble que la qualité qu'ils prennent de Maçons , le tablier de peau blanche , la truelle qu'ils portent, et tous les autres instruments allégoriques dont ils se décorent en loge, n'ont rien de commun avec les orfèvres, les serruriers, les fondeurs, ni les chaudronniers. Mais, outre qu'il n'est point vraisemblable qu'il s'agisse parmi eux d'Hiram, roi de Tyr, non plus que d'Hiram, ouvrier en métaux, ils conviennent tous que c'est en mémoire de l'architecte du temple de Salomon, qu'ils font toutes leurs cérémonies, et principalement celles qu'ils observent à la réception des maîtres. Après cela, comment peut-on s'y méprendre , puisque l'Écriture nous apprend que celui qui conduisait les travaux pour la construction du temple de Salomon s'appellait Adoniram. II est vrai que Flavius Josèphe, dans son Histoire des Juifs, dit qu'il se nommait Adoram ; mais cette différence ne doit pas le faire confondre avec Hiram, roi de Tyr, ni avec Hiram, ouvrier en métaux. Il n'est donc pas douteux, que celui dont les Francs-maçons honorent la mémoire s'appelait Adoniram ou Adoram, et que c'est à lui à qui ils prétendent qu'est arrivée l'aventure tragique , dont je vais faire le récit.

On ne trouve aucun vestige de ce trait d'histoire dans l'Écriture ni dans Flavius Josèphe. Les Francs-maçons prétendent qu'elle a été puisée dans le Talmud ; mais, comme je crois qu'il est fort indifférent de savoir d'où elle peut être tirée , je n'ai pas fait de grandes recherches pour m'en assurer. Je me fonde uniquement sur la tradition reçue parmi les Francs-maçons, et je la rapporte fidèlement, comme ils la racontent tous.

Adoniram, Adoram, ou Hiram, à qui Salomon avait donné l'intendance et la conduite des travaux de son temple, avait un si grand nombre d'ouvriers à payer , qu'il ne pouvait les connaître tous ; et pour ne pas risquer de payer l'apprenti comme le compagnon, et le compagnon comme le maître, il convint, avec chacun d'eux en particulier , de mots, de signes et d'attouchements différents, pour les distinguer.

Le mot de l’apprenti était Jakin, nom d'une des deux colonnes d'airain qui étaient à la porte du temple, auprès de laquelle ils s'assemblaient pour recevoir leur salaire. Leur signe était de porter la main droite sur l'épaule gauche, de la retirer sur la même ligne du côté droit, et de la laisser retomber sur la cuisse : le tout en trois temps. Leur attouchement était d'appuyer le pouce droit sur la première et grosse jointure de l'index de la main droite de celui à qui ils voulaient se faire connaître.

Le mot des compagnons était Boaz : on appelait ainsi l'autre colonne d'airain qui était à la porte du temple, où ils s'assemblaient aussi pour recevoir leur salaire. Leur signe était de porter la main droite sur la mamelle gauche , les quatre doigts serrés et étendus et le pouce écarté. Leur attouchement était le même que celui des apprentis, excepté qu'ils le faisaient sur le second doigt, et les apprentis sur le premier.

Le maître n'avait qu'un mot pour se faire distinguer d'avec ceux dont je viens de parler, qui était Jéhova ; mais il fut changé après la mort d'Adoniram, dont je vais faire l'histoire.

Trois compagnons, pour tâcher d'avoir la paye de maître, résolurent de demander le mot de maître à Adoniram, lorsqu'ils pourraient le rencontrer seul; ou de l'assassiner, s'il ne voulait pas le leur dire. Pour cet effet, ils se cachèrent dans le temple, où ils savaient qu'Adoniram allait seul tous les soirs faire la ronde. Ils se postèrent, l'un au Midi. l'autre au Septentrion, et le troisième à l'Orient. Adoniram étant entré, comme à l'ordinaire, par la porte de l'Occident, et voulant sortir par celle du Midi, un des trois compagnons lui demanda le mot de maître, en levant sur lui le bâton, ou le marteau , qu'il tenait à la main. Adoniram lui dit, qu'il n'avait pas reçu le mot de maître de cette façon-là. Aussitôt, le compagnon lui porta sur la tête un coup de son bâton ou de son marteau. Le coup n'ayant pas été assez violent pour jeter Adoniram par terre, il se sauva du côté de la porte du Septentrion, où il trouva le second, qui lui en fit autant. Cependant, comme ce second coup ne l'avait pas encore terrassé, il fut pour sortir par la porte de l'Orient : mais il y trouva le dernier, qui, après lui avoir fait la même demande que les deux premiers, acheva de l'assommer. Après quoi, ils se rejoignirent tous les trois pour l'enterrer. Mais, comme il faisait encore jour, ils n'osèrent transporter le corps sur-le-champ ; ils se contentèrent de le cacher sous un tas de pierres, et, quand la nuit fut venue, ils le transportèrent sur une montagne où ils l'enterrèrent ; et, afin de pouvoir reconnaître l'endroit, ils coupèrent une branche d'un acacia qui était auprès d'eux, et la plantèrent sur la fosse.

Salomon ayant été sept jours sans voir Adoniram, ordonna à neuf maîtres de le chercher ; et, pour cet effet, d'aller d'abord se mettre trois à chaque porte du temple, pour tâcher de savoir ce qu'il était devenu. Ces neuf maîtres exécutèrent fidèlement les ordres de Salomon; et, après avoir cherché longtemps aux environs, sans avoir appris aucune nouvelle d'Adoniram, trois d'entre eux , qui se trouvèrent un peu fatigués, furent justement pour se reposer auprès de l'endroit où il était enterré. L'un des trois, pour s'asseoir plus aisément, prit la branche d'acacia, qui lui resta à la main, ce qui leur fit remarquer que la terre en cet endroit avait été remuée nouvellement; et, voulant en savoir la cause, ils se mirent à fouiller, et trouvèrent le corps d'Adoniram. Alors ils firent signe aux autres de venir vers eux, et, ayant tous reconnu leur maître, ils se doutèrent que ce pouvait être quelques compagnons qui avaient fait ce coup-là, en voulant le forcer de leur donner le mot de maître ; et, dans la crainte qu'ils ne l'eussent tiré de lui, ils résolurent d'abord de le changer et de prendre le premier mot qu'un d'entre eux pourrait dire en déterrant le cadavre. Il yen eut un qui le prit par un doigt, mais la peau se détacha, et lui resta dans la main. Le second maître le prit sur-le-champ par un autre doigt, qui en fit tout autant. Le troisième le prit par le poignet, de la même manière que le grand-maître saisit le poignet du compagnon, dans la cérémonie de la réception : la peau se sépara encore ; sur quoi il s'écria, M.°. B.°. qui signifie, selon les Francs - maçons, la chair quitte les os, ou le corps est corrompu. Aussitôt ils convinrent ensemble que ce serait-là dorénavant le mot de maître. Ils allèrent sur-le-champ rendre compte de cette aventure à Salomon, qui en fut fort touché; et, pour donner des marques de l'estime qu'il avait eue pour Adoniram, il ordonna à tous les maîtres de l'aller exhumer , et de le transporter dans le temple , où il le fit enterrer en grande pompe. Pendant la cérémonie, tous les maîtres portaient des tabliers et des gants de peau blanche, pour marquer qu'aucun d'eux n'avait souillé ses mains du sang de leur chef.

 Telle est l'histoire d'Hiram, que le grand-maître raconte au récipiendaire, le jour de sa réception. Comme ce n'est qu'une fiction, et qu'on n'en trouve pas la moindre trace dans l'histoire sacrée ni profane , il ne faut pas être surpris si les Frans-maçons ne s'accordent pas toujours sur le nom de cet architecte, ni sur les circonstances de sa mort. Par exemple : j'ai dit que les trois compagnons plantèrent une branche d'acacia sur la fosse d'Hiram ; mais d'autres prétendent que cette branche fut plantée par les maîtres qui cherchaient le corps , afin de pouvoir reconnaître l'endroit où ils l'avaient trouvé. Quelques-uns prétendent aussi que les maîtres exhumèrent le corps d'Hiram , avant que d'aller rendre compte à Salomon de leur aventure, au lieu que j'ai dit que ce fut ce prince qui fit déterrer le cadavre. Il y en a encore qui soutiennent que le premier coup que reçut Hiram fut un coup de brique ; le second, un coup de pierre cubique ; et le troisième, un coup de marteau. Enfin, il y en a qui disent que ce fut Salomon qui s'avisa de changer le mot de maître ; au lieu que d'autres prétendent que les maîtres firent ce changement sans le consulter. En un mot, dans toutes les loges que j'ai vues, j'ai trouvé quelque différence ; mais par rapport aux particularités seulement, et non quant à l'essentiel. La manière dont j'ai raconté cette histoire est conforme à l'opinion la plus communément reçue.

 Salomon , pour récompenser ceux qui le servirent fidèlement, les établit surintendants de 153,392 ouvriers qui furent employés à la construction du temple, savoir: 70,000 ap..., 79,997 comp..., 3,595 maît... ; le maître s'appellait Abiram Akiroph.

Après la construction du temple, plusieurs s'unirent dans un même chef et travaillèrent à la réformation de leurs mœurs et se rendirent célèbres par leurs charités ; ils s'appelèrent Phares Kados (saints séparés) , mais ils ne se soutinrent pas longtemps : ils oublièrent peu à peu leurs obligations et négligèrent leurs devoirs ; ils n'eurent plus que les dehors de la vertu.

Le maître qui s'acquit le plus de réputation fut Ptolémée, philadelphe, roi d'Egypte, prince des astrologues, qui ordonna la Version des Septantes.

Plusieurs zélés observateurs de leurs lois se séparèrent et élurent un grand-maître ad vitam. Une partie resta dans le monde et s'appliqua aux bonnes œuvres ; l'autre se retira dans les possessions qu'ils avaient en Syrie , en Scythie et dans la Thébaïde : ce furent de saints solitaires , des Pères du désert ; ils étaient connus dans ces temps sous le nom de Zécabithes. d'esséniens , de théraupètes et de kadiséens ; leur vie était si exemplaire qu'on les nomma kados (saints). Leur grand-maître le plus renommé fut Manchem; tous les écrivains, tant juifs que ecclésiastiques, s'accordent à le reconnaître pour saint.

Les anciens Maçons étaient donc Juifs; après la destruction du second temple, sous Titus, beaucoup embrassèrent le christianisme et communiquèrent leurs secrets aux Chrétiens les mieux pénétrés de l'évangile. Alexandre, patriarche d'Alexandrie , fut un grand ornement de l'ordre.




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